« NUANCES » de François Bourgognon, un livre précieux
À l’heure où tout semble devoir être tranché, classé, jugé sans délai, j’ai le sentiment que des propos ou une attitude nuancés, souvent, déroutent.
Il me semble que l’époque valorise la clarté immédiate, les positions nettes, les opinions affirmées en peu de mots, autrement dit, une bonne punchline. Les débats publics se polarisent, les échanges se durcissent, et parfois ne pas être dans un camp devient suspect.
Dans ce contexte, la nuance est précieuse. Elle constitue un rempart précieux contre la désinformation, qui prospère précisément sur les simplifications abusives et les émotions instrumentalisées. Elle demande du temps, de l’écoute, de l’humilité. Et elle ouvre un espace intérieur où la complexité peut exister sans être étrange ou menaçante.
C’est dans cet espace que s’inscrit Nuances du psychiatre et psychothérapeute François Bourgognon entendu en conférence il y a quelques mois. Son propos d’alors m’avait donné envie de le lire, et je l’ai trouvé précieux pour toutes les personnes qui s’intéressent ou s’occupent de bien être, d’accomplissement de soi.
Le livre invite à ralentir, à discerner, à accueillir ce qui ne se laisse pas réduire à des oppositions binaires. L’auteur ne propose pas un manuel de réponses toutes faites, mais un cheminement, presque une pratique intérieure, pour habiter le réel avec plus de justesse. À travers ses chapitres, il nous rappelle que penser avec nuance, c’est aussi vivre avec profondeur.
L’ouvrage aborde 15 notions, j’en retiendrai seulement 2 ici, espérant vous donner envie de lire Nuances.
L’acceptation rend la résistance ou l’engagement plus féconds
François Bourgognon traite ici d’une confusion fréquente, entre acceptation, approbation et résignation. Il présente l’acceptation comme un acte de lucidité, non comme une capitulation.
Accepter une situation, une réalité ou une personne ne signifie ni dire « oui » à tout, ni renoncer à agir. C’est d’abord reconnaître ce qui est, sans le déformer, afin de pouvoir ensuite répondre avec discernement.
Cette distinction est fondamentale, tant sur le plan personnel que collectif.
Spirituellement, elle renvoie à une posture intérieure de consentement au réel, qui n’exclut ni la résistance ni l’engagement, mais les rend plus justes et plus féconds.
Comment puiser dans notre histoire sans en devenir prisonnier ?
Notre passé est un trésor de leçons, une terre fertile où puiser force, résilience et identité. Mais quand il se transforme en poids, il peut figer notre présent et entraver notre capacité à imaginer l’avenir.
L’équilibre réside dans l’art de reconnaître ce qui nous a construits, sans laisser nos blessures ou nos « triomphes » définir qui nous sommes aujourd’hui. Nos souvenirs, même les plus douloureux, peuvent devenir des phares si nous les accueillons avec lucidité et bienveillance. Le danger serait de les laisser dicter nos choix, comme si notre vie n’était qu’une répétition mécanique de ce qui a déjà été.
Ce chapitre nous rappelle que notre histoire n’est pas un destin, mais juste une partie de nous-mêmes. Elle peut nous inspirer, nous avertir, ou nous motiver à changer de trajectoire. La liberté commence quand nous cessons de nous identifier uniquement à ce que nous avons vécu, pour en faire une source de compréhension et de croissance.
Et si, au lieu de subir notre passé, nous apprenions à en faire un allié ? Et si nous choisissions de nous appuyer sur nos expériences pour avancer, plutôt que de les laisser nous retenir ? C’est là que réside la vraie nuance : dans cette capacité à honorer notre histoire tout en restant ouvert à ce qui émerge.
La nuance relie et éclaire
Enfin, l’ouvrage insiste, en filigrane, sur la nuance comme exercice de discernement face à la complexité du monde. Dans un environnement saturé d’informations, de raccourcis et de récits anxiogènes, la nuance devient un acte presque spirituel : elle nous invite à suspendre le jugement immédiat, à vérifier les sources, à accepter l’incertitude.
Là où la désinformation simplifie et oppose, la nuance relie et éclaire. Elle nous apprend à tenir ensemble des vérités partielles, à reconnaître que le réel dépasse souvent nos catégories.
Nuances est ainsi un livre qui ne cherche pas à convaincre, mais à éveiller. Il s’adresse à celles et ceux qui sentent confusément que la vérité ne se trouve ni dans les slogans ni dans les certitudes rigides, mais dans une attention patiente au réel. Dans un monde en quête de réponses rapides, François Bourgognon nous rappelle que la nuance n’est pas un luxe intellectuel : elle est une voie de sagesse, une manière d’habiter le monde avec plus de conscience, de compassion et de liberté intérieure.
Nuances, François Bourgognon, Editions First








